De la Place Poelaert au SPF Santé, la manif pour tous ?

Bruxelles aura donc vécu en ces jours d’octobre un soubresaut de victimes d’erreurs médicales. 400 manifestants, selon les organisateurs relayés par la presse, pour 20.000 victimes par an. C’est peu, mais c’est bien au regard de l’omerta qui entoure le phénomène.
Puisque nous sommes dans les chiffres, il a pu être noté que le chiffre de 2000 morts par an se transforme aujourd’hui en 2 à 4000 morts par an. Qu’en sera-t-il lors d’un prochain épisode ?

En attendant, cette descente dans la rue aura eu le mérite de tenter de sensibiliser l’opinion publique et d’essayer de peser sur nos chers politiques. C’est en effet à ces derniers d’agir dans l’intérêt des citoyens, tous potentiellement consommateurs de soins de santé. Ils ont droit à des soins de qualité dispensés par du personnel compétent, respectueux de l’individu, de l’être humain. Pour cela, il faut veiller à leur formation non seulement sur les bancs de la faculté de médecine, mais également tout au long de leur carrière. Cela se fait dans d’autres métiers, l’aéronautique par exemple.

Mais, la qualité des soins ne sera certainement pas obtenue par l’instauration d’un fichier de signalement anonyme des ‘évènements indésirables’ où les médecins devraient signaler toutes erreurs.

C’est devant la Justice que devrait être débattue la faute commise par un médecin. Faute qui devrait être sanctionnée par une indemnisation des victimes et d’une mesure d’interdiction d’exercer, temporaire ou définitive, seule issue permettant à l’État de veiller à la sécurité de la population.
Mais voilà, aller en Justice reste une chose délicate. Il y a en premier lieu la culture qui fait qu’aller ‘contre’ est encore décrié. Surtout pas de vague … L’autre aspect est économique. Un procès est cher, frais d’avocats, frais d’expertises, frais de Justice … et aucune garantie de succès. Beaucoup de victimes n’ont pas l’argent nécessaire. La Justice est la même pour tous, dit-on. De fait, il y a celle des riches et celle des pauvres.
Un vrai changement serait que les procureurs soient légalement dans l’obligation de reprendre à leur compte une plainte pour erreur médicale et que les frais du plaignant soient pris en compte par l’État, le cas échéant mis à la charge du condamné.

Un des reportages concernant cette manifestation faisait aussi mention du Fonds des Accidents Médicaux. Que l’on ne s’y trompe pas, il ne concerne que très peu de cas. Les critères de recevabilité sont drastiques. 25% d’invalidité, par exemple. Qui est concerné ?
Ce Fonds semble-t-il, n’est là que pour pouvoir dire ‘nous avons fait quelque chose’ ! La procédure est du type ‘no fault’, pas de fautif. 25% d’invalidité au moins, mais pas de fautif ! Il ; reste simplement un médecin qui ne sera pas inquiété et qui pourra continuer tranquillement à produire d’autres victimes.
Ce n’est pas la solution.

En attendant des jours meilleurs, des jours où la vie d’un patient sera aussi précieuse que la vie d’une victime de la route, des jours où l’on trouvera un financement de la sécurité médicale, les radars faisant l’affaire, dit-on, de la sécurité sur nos routes, continuons à utiliser les moyens de communication dont nous disposons maintenant pour dénoncer ce scandale des temps modernes.

Au fait, chers politiques, avez-vous pensé à ce que coûte l’erreur médicale au budget de l’INAMI ? Les potentielles économies à réaliser, séjours prolongés à l’hôpital, interventions médicales correctives, soins à long terme des victimes, ne sont-elles pas LE financement de mesures nécessaires pour le combat contre l’incompétence, le ‘j’m’en-foutisme’ et pourquoi pas l’erreur humaine.

Et avant de terminer cet exposé, une petite pensée pour le Conseil de l’Ordre des Médecins. A part collecter des cotisations permettant de se constituer un patrimoine assez remarquable, patrimoine qui pourrait être réinvesti dans la qualité des soins, que faites-vous pour lutter contre ce fléau ? Qu’en est-il de l’interdiction d’exercer pour les plus mauvais d’entre vous ? Les rapports économiques entre confrères sont-ils plus importants que la santé, la vie des patients ?

Ce ne sont que des questions, questions que se posent au moins les 20000 victimes et les familles des 2 à 4000 morts qui se rajoutent à celles existantes.

N’oublions pas, « Le silence tue, le silence fait le lit de tous les abus présents et à venir »